Anne : le combat contre la clôture

Anne de Xainctonge, Dans la Compagnie

1581 : la Compagnie de Jésus fonde un collège pour garçons à Dijon, la capitale du duché de Bourgogne.

-Aux fenêtres de la maison familiale, qui plongent sur la cour de récréation, Anne de Xainctonge n’a d’yeux que pour les élèves en noir qui vont et viennent.
Les portes de l’institution sont réservées aux garçons. Par chance, la haute société dijonnaise recommande vivement la direction spirituelle des pères jésuites pour les jeunes filles de bonne famille : Anne, fille d’un conseiller au Parlement de Dijon, reçoit les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola.
Elle y découvre un goût pour la vie intérieure et y restera toute sa vie profondément attachée.

C’est ainsi que naît sa vocation : fonder une communauté non cloîtrée au service d’une école gratuite pour filles, selon le modèle jésuite, «aider au salut des âmes par le moyen de l’instruction» des filles, «des pauvres comme des servantes.»

Cette fondation sans clôture prend le nom de Compagnie de Sainte-Ursule.

-L’enfance d’Anne est bercée par les controverses politiques et religieuses. Les guerres de Religion opposent, à Dijon comme ailleurs, le parti de la Ligue et les partisans d’Henri IV, d’origine protestante, puis ces deux derniers aux Espagnols, installés non loin de là, en Franche Comté.
Anne, avec les jésuites, défend la ligue. Elle s’oppose à son père pieux et austère qui défend, lui, le roi Henri IV.
Un jour qu’ils s’affrontent sur ce sujet, il l’avertit : «Si vous n’êtes pas de mon avis, vous pouvez partir.»
Le lendemain matin, déguisée en servante, elle s’enfuit avec sa domestique. Un ami la conduit en charrette jusqu’à Dole. Elle passe du duché de Bourgogne en Franche-Comté, sous domination espagnole.

-A Dole, attaquée par les Français l’année précédente, elle est traitée de «chienne française». Elle subit le courroux de son père. Lui ayant coupé les vivres, il demande à plusieurs reprises, à un habitant, qui la logeait par charité, de la mettre dehors.
Les jésuites, sous la pression paternelle, refusent de la recevoir. Mais elle tient bon.

Une jeune Doloise, Claudine de Boisset, la rejoint dans son projet. Fille d’un professeur royal de l’université, celle-ci apporte à la fois un nom prestigieux et de solides moyens financiers.

Après dix ans d’épreuves, elles ouvrent la première école, le 16 juin 1606.

-Chaque future «compagne» apporte une dot. Leur mise en commun permet de faire vivre la Compagnie qui essaime à Vesoul, Besançon, Arbois, Saint-Hippolyte et Porrentruy. Puis en Suisse et en Allemagne après la mort de la fondatrice en 1621.

-Transmettre les bases de la culture humaniste, mais aussi un «goût» particulier pour la vie intérieure et la relation avec Dieu : tels sont les grands principes de la pédagogie d’Anne de Xainctonge. Maîtresse d’école et maîtresse des novices, elle veut initier à la vie dans le Christ, par l’imitation de la manière dont Jésus lui-même fut attentif aux petits et aux pauvres.
Chaque soeur ainsi instruite peut instruire à son tour les filles de toutes conditions, les initiant à la lecture, à l’arithmétique, à la broderie…L’école accueille également des femmes le dimanche et jours de fête.

Anne de Xainctonge s’inscrit dans le courant de la Contre Réforme catholique en Europe, née après le Concile de Trente. La réforme protestante a entraîné une prise de conscience : il manque des écoles pour transmettre la foi catholique. Partout, de nouveaux établissements scolaires explosent : à Bordeaux avec Jeanne de Lestonac, en Lorraine avec Alix Leclerc (fondatrice la Congrégation Notre Dame)…

-Des «filles dévotes» ouvrent des écoles tout en restant laïques. Mais, depuis le concile de Trente, impossible pour elles de consacrer leur vie à Dieu sans être cloîtrées. Les Constitutions de Pie V interdisent aux communautés féminines de mener une vie religieuse hors des murs d’un couvent.
Une anglaise, Marie Ward, crée quand même une congrégation sans clôture. Le Saint-Siège l’emprisonne pour hérésie et supprime son institut. Ni François de Sales (né la même année qu’Anne de Xainctonge), ni Pierre Fournier, ni Alix Leclerc ne parviennent à faire accepter des congrégations fémininies sans clôture.

-Or, pour Anne, le refus de la clôture est une condition sine qua non de sa fondation. Elle attache une grande importance à la liberté de chaque soeur – choisir son confesseur parmi les jésuites, sortir de sa communauté, comme les femmes de l’époque.
Ni religieuses, ni laïques, les ursulines d’Anne de Xainctonge appartiennent au courant des filles dévotes , qui prononcent des voeux simples, l’équivalent pour aujourd’hui des religieuses séculières.

Anne s’éteint après une longue maladie, à 54 ans. Sur son lit de mort, à ceux qui lui demandent ses dernières instructions, elle répond : «Maintenant je ne veux plus rien que de voir mon Dieu.»

Article de Soeur Marie Amélie Lebourgeois paru dans «La Vie» le 16 Novembre 2006

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