«la poésie habille le réel sans le dissimuler, et le rend comestible s’il devient impossible»

Geneviève…

Prenant prétexte de ton goût pour le bord de la mer,

les mots me sont venus de comparer nos familles
à de petites flottilles qui voguent depuis longtemps…

Ces mots sont mis en vers : c’est parce qu’en cet instant,
on a besoin du poème pour pouvoir s’exprimer
auprès de ceux qu’on aime.
La poésie habille le réel sans le dissimuler
et le rend  «comestible» s’il devient impossible.
Puissent donc ces paroles être un baume bienfaisant
sur la blessure à l’âme…

Les armateurs, nos parents, nous ont lancés jadis
dans ce flot très ancien que l’on appelle la Vie.
Chacun, chaque bâtiment s’est enrichi du voyage.
Munis des vivres initiales, ces valeurs que l’on tient
bien ancrées à fond de cale,
nous avons fructifié, tissé de nouvelles mailles
au filet des amours,
augmenté les équipages de moussaillons nouveaux.

Jusque là on voguait, louvoyant aux alizés des rencontres,
parcourant la planète, au sens propre pour certains.
L’expérience
maritime de nos prédécesseurs, les modèles qu’ont été nos parents,

ont permis
de braver les distances, les tempêtes, les coups de vent,
le vertige des vagues, les vague-à-l’âme aussi,
les abandons de bord, les pertes de repères,

les avaries du corps…

Heureux de faire escale au premier port d’attache,
celui de notre enfance,
au gré de nos cursus, si ce n’est de nos errances,
et de nous ressourcer dans une douce connivence
aux êtres qu’on aimait :
c’est bien de cette façon que nous te retrouvions,
toujours égale et souriante, enthousiaste, engagée,
passionnée et battante, parcourant les pays,
attentive à chacun, fédérant les actions,
donnant de ta personne, repartant sans attente
poursuivre tes missions !

Et puis…

… Il y eut ces récifs…

Qui aurait pu penser que tu t’y cognerais ?
Tu menais bien ta barque, tous peuvent en témoigner !
Ton sillage reste inscrit dans nos yeux désolés.
Ta force, et l’ énergie qui t’ont été confiées,
tu les as mises au service des plus frêles esquifs,
chacun s’en souviendra.

Il y a eu naufrage,
corps et esprit en tremblent, nous sommes tous des mortels…
Il y a eu naufrage :
tu manques à notre appel, nos coeurs sont chavirés.

La colère et les larmes ne nous consoleront pas.
Gardons pourtant la tête hors de l’eau, et ensemble,
comme tu le souhaiterais,
poursuivons le voyage sur cette terre imparfaite…
Laissons-nous emmener par un vent du large
qui ne cessera à présent
de murmurer ton nom !

Que ce souffle apaisant ne s’éteigne jamais !

Claude Gheerbrant
à la mort de sa soeur Geneviève

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